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Comme définit par les travaux de l’Evaluation des Ecosystèmes pour le Millénaire, les services écosystémiques sont les bénéfices que l’Homme retire d’un écosystème. Ces services sont le résultat du fonctionnement naturel des écosystèmes. L’Homme en profite donc  gratuitement et sans avoir à y travailler, sous réserve que ces écosystèmes soient en bonne santé et puissent fonctionner normalement.

Quels sont les bénéfices que nous tirons des zones humides ?

Régulation des crues et des inondations

Les zones humides jouent un rôle important dans la régulation du régime hydrographique d’un bassin versant. Se comportant un peu comme des éponges, les zones humides d’altitude, comme les mares, les tourbières et les étangs, absorbent une partie des précipitations sur les hauts des bassins versants. En réduisant la quantité des eaux de ruissellement qui arrivent dans les rivières, ces zones humides permettent souvent d’éviter des crues en aval. Malgré ce mécanisme, il arrive que les cours d’eau sortent de leur lit lors de phénomènes météo exceptionnels. L’eau inonde alors les plaines alluviales situées de part et d’autre des fleuves. Les excédents pluviométriques s’y écoulent lentement, y déposant les sédiments charriés par les eaux de ruissellement.

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Inondation des Terres Basses à Saint Martin, novembre 2014

Prisées par l’Homme pour leur fertilité et leur proximité à l’eau, la plupart de ces vallées alluviales sont aujourd’hui aménagées en zones agricoles, urbaines ou industrielles. Leurs cours d’eau ont été endigués pour éviter ce phénomène de débordement et pour protéger nos infrastructures. Lors d’épisodes météorologiques exceptionnels, les cours d’eau débordent malgré les digues et causent des pertes humaines et matérielles considérables. Par ailleurs, les plaines alluviales déconnectées de leur cours d’eau ne bénéficient plus d’un apport régulier en sédiments. Les eaux ne débordent plus de leur lit, et les sédiments en suspensions sont rejetés en mer au lieu de se déposer dans les plaines.

Recharge des eaux souterraines et de surface

Au même titre qu’elles ont la capacité d’absorber une partie de l’excédent pluviométrique, les zones humides ont également la capacité de restituer cet excédent lors des périodes de sécheresse. Ainsi, le réseau hydrographique n’est jamais complètement asséché. Par ailleurs, un grand nombre de zones humides sont connectées aux eaux souterraines et assurent en partie la recharge des nappes phréatiques.

Des infrastructures protégées des caprices de la mer

Lors des tempêtes, les zones humides littorales agissent comme un bouclier qui protège des assauts de la mer les constructions humaines installées sur le littoral. En Outre-mer, c’est essentiellement la mangrove qui tient ce rôle. L’entrelacement complexe de racines et de tiges réduit la vitesse et la hauteur des vagues, et protège ainsi les côtes de l’érosion. La disparition de la mangrove sur certains secteurs côtiers constitue donc un risque pour les infrastructures littorales, qui se retrouvent alors en première ligne.

Des causes naturelles peuvent conduire à la disparition de la mangrove, comme en Guyane, où la surface des mangroves évolue au gré des apports sédimentaires de l’Amazone. Ce phénomène cyclique est impressionnant. En quelques mois la mangrove peut avancer ou reculer de plusieurs dizaines de mètres, menaçant les constructions humaines.

Une eau plus limpide et moins polluée

Les zones humides se situent dans les zones les plus basses du paysage. C’est donc naturellement que les cours d’eau et les eaux de ruissellement convergent vers ces milieux. En chemin, l’eau entraine avec elle des sédiments et des polluants. Lorsque le réseau hydrographique atteint une zone humide, une mangrove par exemple, celle-ci agit comme un filtre. Le débit de l’eau est ralentit par les racines enchevêtrées des palétuviers et les sédiments s’y déposent, créant petit à petit le substrat des futurs palétuviers et assurant une eau claire dans le lagon.

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Ilet la biche, Grand Cul-de-sac Marin, Guadeloupe

Dans une certaine mesure, les zones humides ont également la capacité d’absorber des polluants. En zone agricole, ce sont essentiellement des engrais et des pesticides, tandis que les métaux lourds et les hydrocarbures sont généralement associés aux zones urbaines et industrielles. Beaucoup de plantes de zones humides sont capable d’absorber une partie de ces polluants, tandis que d’autres sont piégés dans le sol. Néanmoins, il est important de souligner que ces capacités sont minimes comparées à notre capacité de production des dits polluants.

Mangroves, herbiers et récifs coralliens : un échange de bons procédés !

Les herbiers et les récifs coralliens ont besoin d’une eau limpide : elle laisse passer les rayons du soleil qui leur permettent de faire la photosynthèse, indispensable à leur survie. Ainsi, les racines des palétuviers, en interceptant les particules venant de la terre, limitent la turbidité des eaux sortant vers le lagon et garantissent des conditions optimales pour la croissance des herbiers et des coraux.

De leur côté, les mangroves ont besoin d’une eau calme avec peu de vagues et de faibles courants, pour pouvoir intercepter et accumuler les sédiments qui leur permettront ensuite de prendre racine. Les récifs coralliens, situés au large, amortissent l’énergie des vagues et garantissent des conditions calmes dans le lagon et aux abords de la mangrove.

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Les services écosystémiques de la mangrove

Minimisation des zones mortes :

Nitrates et phosphates sont issus majoritairement des engrais et des eaux domestiques non traitées. En milieu aquatique, ils fertilisent l’eau du lagon, exactement de la même manière qu’ils fertilisent les cultures sur terre. S’ils sont présents en trop grandes quantités, les micro-algues prolifèrent, consomment tout l’oxygène présent dans l’eau et asphyxient les autres organismes vivants dans les parages. En absorbant une partie de ces polluants, la mangrove et les autres zones humides littorales contribuent à la bonne santé des milieux aquatiques avoisinants.

Les zones humides artificielles :

La capacité des zones humides à retenir et absorber les sédiments et certains polluants a conduit à la création de zones humides artificielles, spécifiquement crées pour traiter les eaux usées d’origines diverses. Ainsi, la taille de la zone humide et le choix des plantes sont adaptés au volume et à la nature des effluents rejetés.

Des réservoirs de biodiversité

Les zones humides regorgent de vie. A l’échelle de l’Outre-mer ce sont quelques milliers d’espèces de mollusques, de crustacés, de poissons, d’oiseaux, de mammifères, de reptiles et d’insectes qui dépendent des zones humides pour une partie ou la totalité de leur cycle de vie. On y retrouve également un fort taux d’endémisme.

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Périophtalme

Poisson 2La mangrove constitue un véritable abri pour les juvéniles de certaines espèces de poissons : tarpons, barracudas et brochets de mer en sont quelques exemples. Les jeunes grandissent protégés par le dédale des racines dans lequel les prédateurs, trop gros, ne peuvent s’aventurer. Sans ce refuge, une grande partie des poissons côtiers seraient menacés.

Piaf 2Les zones humides sont non seulement des espaces propices aux parades amoureuses des oiseaux qui s’y reproduisent, mais aussi une couveuse et un site nourricier pour le bon développement des oisillons. Elle constitue également une étape nécessaire pour de nombreux oiseaux migrateurs qui traversent des continents entiers.

Des ressources et des revenus

Les zones humides sont à l’origine de nombreux produits de consommation : aliments, matériaux de construction, médicaments, teintures… la liste est longue. Parmi ces produits, certains sont prélevés à petite échelle, pour une consommation de subsistance ou liés à des pratiques traditionnelles, tandis que d’autres sont exploitées de manière commerciale, à plus grande échelle.

Pêche vivrière en Nouvelle Calédonie
Pêche vivrière en Nouvelle Calédonie

L’originalité des paysages et la diversité biologique des zones humides en font des destinations privilégiées pour l’industrie du tourisme et des loisirs. Ainsi, si elles sont pratiquées de manière raisonnée et durable, les activités telles que la navigation de plaisance, les sports aquatiques, l’observation de la faune, la chasse et la pêche sont des sources de revenus pérennes pour les communautés locales.

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Concours de pêche dans la mangrove du Grand Cul-de-sac Marin, Guadeloupe

Valeurs culturelles et spirituelles

Qu’elles soient sacrées ou maléfiques, vénérées ou craintes, les zones humides ont toujours suscité l’intérêt des populations locales et alimenté les croyances, les légendes et les contes.

Mais ces milieux ne nourrissent pas uniquement notre imaginaire, ils sont également de véritables vitrines sur le passé et de formidables sources de connaissances pour les archéologues. En effet, les sols inondés des zones humides ralentissent les processus de décomposition faute d’oxygène. Ainsi, les pollens, les graines, les bois et les tissus sont mieux conservés, et permettent parfois de reconstruire une partie de l’histoire naturelle ou culturelle d’une région.