Les écosystèmes côtiers, dont dépendent de nombreuses populations à travers le monde, ont été largement impactés par des pressions anthropiques ces 50 dernières années, pressions exacerbées par le dérèglement climatique ces dernières décennies. En ce qui concerne les mangroves, présentes sur les côtes tropicales du monde entier, il était estimé que leur surface avait décliné de plus de 35% à la fin des années 1990. Les améliorations en techniques de télédétection ont permis d’évaluer un déclin supplémentaire de 2,1% entre 2000 et 2016, principalement causé par l’aquaculture et l’agriculture.
Dans les territoires d’outre-mer, hormis quelques études diachroniques ponctuelles, l’analyse de l’évolution des surfaces de mangroves n’avait jamais été réalisée de manière harmonisée. C’est pour mieux comprendre les évolutions des surfaces de palétuviers, et en tirer les conséquences de gestion dans un contexte d’évaluation selon les critères de la Liste rouge des écosystèmes de l’UICN, que le Comité français de l’UICN réalise une étude diachronique des mangroves dans le cadre du Réseau d’Observation et d’aide à la gestion des Mangroves (ROM).
La première phase de ce projet, soutenue par l’UICN, le ministère des Outre-mer, le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires et l’Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR), a permis d’analyser l’évolution dans le temps des surfaces des mangroves dans 5 territoires, sur des pas de temps différents en fonction de la disponibilité des données :
- Guadeloupe: analyse de l’évolution des mangroves, marais saumâtres et forêts marécageuse entre 1950 et 2020 (BD ORTHO® Historique de l’IGN)
- Saint-Martin: évolution des mangroves entre 1950 et 2020 (BD ORTHO® Historique de l’IGN)
- Saint-Barthélemy: évolution des mangroves entre 1954 et 2020 (BD-Ortho® Historique de l’IGN)
- Wallis: évolution des mangroves entre 2004 et 2020 (BD ORTHO® Historique de l’IGN et images Google Earth®)
- Polynésie française: évolution des mangroves entre 2011 et 2020 (images Google Earth®)
Les surfaces obtenues au travers de cette analyse ont été comparées avec celles issues de la cartographie nationale CARNAMA de 2020 ou de la couche 2010 de l’Office National des Forêts pour les forêts marécageuses.
Résultats
- Guadeloupe : la surface des mangroves a augmenté de 18.8 %, une progression pouvant être expliquée en partie par la fermeture progressive des marais saumâtres, du fait de l’abandon des activités de pâturage sur ces zones et à leur comblement par la mangrove. Néanmoins, ce bilan positif ne doit pas masquer les destructions qui ont eu lieu dans certains endroits, notamment dans la zone de Jarry où 57 % des surfaces de mangroves ont été détruites. L’étude montre également une perte de 14.1% des surfaces des forêts marécageuses et 40.2% des marais saumâtres.
- Saint-Martin et Saint-Barthélemy : les mangroves ont perdu respectivement 40 % et 65 % de leur superficie dans ces deux territoires. Le principal facteur à l’origine de cette évolution est l’artificialisation du littoral, due à l’urbanisation galopante.
- Wallis et Futuna : la surface des mangroves a augmenté de 18.1 % sur l’île de Wallis depuis 2004. Cette augmentation est notamment due à une protection renforcée par le droit coutumier et à un projet de restauration qui a été mené par le Service Territorial de l’Environnement (STE) en 2017-2018.
- Polynésie française : les résultats de l’étude montrent que la surface de mangroves à Rhizophora stylosa, une espèce de palétuvier introduite dans les années 1930 à Moorea et présentant aujourd’hui un potentiel d’espèce exotique envahissante (EEE), a augmenté de 30.6%. L’espèce s’est maintenant répandue dans 5 îles : Tahiti, Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora Bora. Huahine, Raiatea et Tahaa sont les îles où les surfaces de mangroves sont en train de progresser le plus rapidement.
En parallèle, cette première phase du projet propose un suivi depuis 2011 de la vigueur de la végétation des mangroves en Nouvelle-Calédonie à travers l’analyse de l’indice NDVI (indice de végétation par différence normalisée), calculé sur des archives d’images du programme Landsat. Bien que cette analyse présente d’importantes limites méthodologiques, elle permet d’avoir un premier aperçu de l’évolution de la vigueur des mangroves sur ce territoire.
Perspectives
La seconde phase du projet, réalisée avec le soutien du Ministère en charge de l’environnement et de l’Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR), complétera l’analyse en Guadeloupe et en Polynésie française en intégrant la comparaison avec les données cartographiques de dates intermédiaires (Guadeloupe) et des images anciennes (Polynésie). Des nouveaux territoires seront également analysés, notamment la Martinique et Mayotte.