Un article du magazine Géo – 25/05/2022
“Les mares attirent les moustiques”, “les mares ne dépendent pas de l’humain”… Ces écosystèmes, réservoirs de biodiversité, font l’objet de nombreux préjugés. Tour d’horizon avec des experts de ces milieux humides.
La France métropolitaine compte quelque 650.000 mares, soit une mare pour 100 habitants en moyenne. Réservoirs de biodiversité, habitats ou lieux de reproduction essentiels pour de nombreuses espèces de plantes, d’oiseaux, d’insectes et d’amphibiens, ces écosystèmes gagnent à être davantage connus, pris en considération, et protégés.
“Les mares ne dépendent pas de l’humain”
Faux. Bien au contraire ! “Ce qui est assez extraordinaire, c’est que 95 % des mares ont été construites par l’Homme“, souligne Bertrand Sajaloli, Maître de conférences en géographie à Orléans et spécialiste de la géo-histoire des mares, en conférence de presse (24/5/2022).
Les premières mares datent en fait de la période Néolithique, il y a plus de 10.000 ans. “Si les femmes et les hommes ont construit des mares, c’est parce qu’ils en avaient besoin“, poursuit l’enseignant-chercheur. Ainsi, dans la région de la Beauce, jusqu’au début du 20e siècle, des éleveurs de moutons ont pu bénéficier d’un accès à l’eau grâce aux mares – alors qu’ils pouvaient se trouver à une quarantaine de kilomètres de la première rivière.
“Les mares nous aident à nous adapter face au changement climatique”
Vrai. Si les zones humides portent des “fonctions écosystémiques” cruciales, contribuant à la régulation de l’eau et à sa purification (rôle hydrologique), les mares, à plus petite échelle, nous apportent de la fraîcheur. C’est tout particulièrement vrai dans les villes, où le changement climatique renforce le phénomène d’îlot de chaleur.
En outre, à l’échelle de la planète, les mares de fermes stockent davantage de CO2 que l’ensemble des mers et océans. “Les mares sont de formidables alliées pour le climat“, résume Rémi Luglia, Président de la Société nationale de protection de la nature (SNPN).
“Les mares se ressemblent toutes”
Faux. “Quand vous écrivez le mot ‘mares’, vous l’écrivez avec un ‘s’. Car il en existe une grande diversité, avec des tailles très variées, des mares bocagères ou forestières – qui occupent seulement quelques mètres carrés – jusqu’aux mares de chasse ou aux mares communales, pouvant s’étendre sur plusieurs hectares“, explique Pierre Caessteker, Chargé de mission zones humides & marais à l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
Il existe même des mares “temporaires”, créées notamment par les tracteurs, dont les traces forment des ornières dans le sol. C’est dans cet habitat étonnant que l’on peut trouver le sonneur à ventre jaune : “les ornières se remplissent d’eau de pluie, l’amphibien s’y reproduit, puis la mare temporaire s’assèche“, précise le président de la SNPN.
“Les mares n’intéressent pas les artistes”
Faux. Avez-vous regardé en détail la célèbre “Joconde” de Léonard de Vinci ? Si vous examinez attentivement ce tableau, vous remarquerez, derrière Mona Lisa, la présence d’une mare. Un type de paysage que l’on retrouve d’ailleurs souvent en arrière-plan d’autres œuvres du génie italien, telle sa “Vierge à l’Enfant avec saint Jean Baptiste et un ange”. Les mares ont aussi inspiré l’impressionniste Claude Monet, auteur des “Nymphéas”, une série de 250 peintures à l’huile.
Mais c’est peut-être dans la littérature que l’on retrouve le plus de références aux mares, à l’instar de “La Mare au diable“, roman de George Sand (1846). Elément central des contes de Maupassant, la mare est associée à des valeurs tantôt négatives, tantôt positives, et ce, depuis la Bible – où la mare est à la fois “associée à la mort et au péché” mais aussi au “chaos de la création, source de vie“, note Bertrand Sajaloli.
Le petit écran n’échappe pas non plus à ce phénomène, avec, par exemple, les adaptations télévisées de l’œuvre littéraire de la romancière française Fred Vargas – où les mares sont omniprésentes.
“Les mares disparaissent”
Vrai. C’est vers la fin du 19e siècle, au moment où les densités agricoles ont été à leur maximum, que la France comptait le plus de mares : “à peu près 10 fois plus qu’aujourd’hui“, estime Bertrand Sajaloli. Les mares n’ont ensuite cessé de se raréfier dans nos paysages, en particulier depuis que le réseau d’eau courante a fait son arrivée dans les campagnes. Dès lors, “combler les mares est devenu une marque de modernité“, explique l’enseignant-chercheur.
“N’importe qui peut créer une mare”
Vrai. Si vous disposez d’un terrain privé, vous pouvez créer une mare. “Vous creusez un trou dans votre jardin, et un ou deux ans plus tard, vous avez tout un écosystème qui se met en route“, résume Rémi Luglia. “A condition de ne pas mettre de pesticide, de ne pas tout arracher… et de ne pas y reloger votre poisson rouge, qui mangerait la faune venue s’installer naturellement !”
“Les mares attirent les moustiques”
Faux. Si les moustiques nous ennuient, ils sont pourtant à la base de l’alimentation de nombreuses espèces animales, telles que les hirondelles. C’est pourquoi, dans une mare, “les moustiques sont vite mangés par leurs prédateurs naturels“, relève Pierre Caessteker de l’OFB, interrogé par GEO.fr.
Pour éviter la prolifération de moustiques dans une mare, l’expert en zones humides recommande 3 solutions simples à mettre en oeuvre :
- Faites monter le niveau d’eau de la mare (un robinet se trouve probablement à proximité). Les moustiques qui piquent l’humain pondent leurs oeufs uniquement lorsque la profondeur est très faible (quelques centimètres), car la température de l’eau y est propice à l’éclosion.
- Entourez la mare de végétation – mais pas d’une simple pelouse (encore moins de béton !).
- Laissez s’installer dans votre mare les grenouilles et autres amphibiens, qui ne feront qu’une bouchée du peu de moustiques restants.
“Il existe une fête des mares”
Vrai. La Fête des Mares 2022, organisée par la SNPN avec un collectif d’associations (Aspas, LPO…) et soutenue par l’OFB, a lieu du 28 mai au 5 juin.
Parmi les activités prévues cette année, on peut par exemple :
- S’émerveiller de la “musique des mares” à Aiguilhes (43) avec la FNE Haute-Loire (mercredi 1er juin),
- Découvrir le lien entre “mares et haies” à Montrevel-en-Bresse (01) avec la FNE Ain (mercredi 1er juin),
- Explorer la mare d’un jardin partagé à Charleville-Mézières (08) avec l’association Nature et Avenir (jeudi 2 juin),
- Plonger dans le “monde féérique des libellules et des demoiselles” à Saint-Martin-Bellevue (74) avec la LPO (dimanche 5 juin).
Tout le programme de la Fête des Mares 2022 est à consulter sur le site web de la SNPN. Certaines activités sont sur inscription.
Retrouvez l’intégralité de l’article sur le site Géo : par ici !